Sortie Maisons Paysannes de France sur le Larzac, le 23 Juin 2013.

 

 

Rendez-vous était donné à 9h30 sur le parking de Saint Martin du Larzac au nord-est du plateau. Nous fûmes 5, puis 10, puis 45 et nous nous engageâmes sur le chemin conduisant au village tout proche.

Là, Chantal Alvergnas,exploitante à Saint Martin du Larzac, nous attendait et nous accueillit très agréablement. La ferme de Chantal est un ensemble typiquement caussenard datant des 16 ème et 17ème siècles. Un grand porche, flanqué tout près d’un beau four à pain dont le toit en lauzes a été rénové, donne sur une cour intérieure fermée, la bergerie est au fond à gauche. Cette bergerie, entièrement voûtée est très longue et très étroite, équipée d’une large mangeoire centrale, pas très fonctionnelle quant à l’approvisionnement des brebis et des agneaux. Associée désormais en G.A.E.C. avec son fils Romain Galtier, installé dans la ferme des Baumes. Ils ont construit récemment, aux Baumes, une bergerie neuve tout en bois adaptée au passage des engins agricoles. Chantal et Romain sont à la tête d’un troupeau de 300 brebis dont le lait est collecté pour la coopérative des Bergers du Larzac. Créée en 1993 par des éleveurs qui s’estimaient lésés par le monopole de Roquefort sur le Larzac, cette coopérative collecte le lait d’une vingtaine de fermes et propose une gamme de 23 fromages ( pérail, tomme d’Estaing, brousse de brebis, encalat,…) à La Cavalerie. (§ Massif Central Magazine n°107).

Revenons à nos moutons!!! et à Chantal qui nous raconte son parcours et celui des paysans du Larzac avec grande clarté. Venue du comité Larzac de Grenoble avec Gérard, son compagnon, Chantal s’est installée « illégalement » au début des années 80 dans la ferme de Saint Martin, alors inoccupée , très délabrée et possession de l’armée. Ils ont réussi à rénover petit à petit les bâtiments et à faire vivre une exploitation d’élevage de brebis. Chantal nous raconte très clairement toute l’évolution qu’elle a vécue depuis la lutte et la démarche des paysans du Larzac après l’annulation de l’extension du camp militaire en 1981….. En fait ce sont trois décennies de mobilisations et de réflexions pour arriver à mettre en place et à maintenir une gestion foncière collective qui est unique en France. Chantal a participé activement à toute cette mise en oeuvre et continue puisqu’elle est membre du conseil de gestion de la S.C.T.L. (Société Civile des Terres du Larzac). Elle participe aussi activement à la gestion de « Gardarem Lo Larzac » qui est le journal bi-mensuel du plateau, né de la lutte en 1975.

Cette politique foncière du Larzac possède deux structures:

— les G.F.A. ( groupement foncier agricole) en 1973

—la S.C.T.L. (société civile des terres du Larzac) en 1985 ( cf les documents joints).

 

Après cette rencontre avec Chantal, vraiment très intéressante et qui nous a tous passionné, nous avançons vers l’ancien presbytère que viennent d’acquérir Patrick , Colette et Joseph. Patrick nous reçoit tout aussi agréablement et nous explique l’histoire du presbytère. Il nous décrit les travaux entrepris, percements d’ouvertures, fermetures d’autres….! Ce sont de gros travaux qui permettront la création de deux logements, tout cela dans le respect des façades existantes et de l’environnement. Ce bâtiment tout proche de l’église de Saint Martin a connu depuis le 17ème siècle des occupants très divers: du prêtre isolé à l’institutrice laïque, servant ensuite de lieux de vacances pour des familles millavoises et enfin une communauté non-violente du Cun regroupant six familles….ce qui explique l’ampleur des travaux entrepris.

A la sortie de ce bâtiment nous nous engageons dans une  » bouissière » (chemin bordé de buis) de toute beauté, bordée à gauche par le cimetière de Saint Martin et arrivons à l’église où Michèle Vincent nous accueille et nous présente l’église en  » érudite avérée ». Cette église, aux formes modestes certes , mais très harmonieuses est toujours ouverte, elle est un lieu vivant, comme nous le stipule le dépliant, grâces à des célébrations, des concerts, des soirées contes,  des visites etc… Elle est parfaitement entretenue et très belle. Cette église existait déja au 11ème siècle et a subi au cours du temps de nombreuses modifications. Michèle nous parle aussi longuement des vitraux; de Claude Baillon maître verrier à Millau; du choix des couleurs chaudes au sud et froides au nord. Pour les vitraux de cette église de Saint Martin du Larzac, Claude Baillon a obtenu le prix de la création du vitrail pour le concours « un patrimoine pour demain » organisé par le Pélerin Magazine. Dans le choeur, est accroché une tenture de la vierge à l’enfant réalisée par Anne-Marie Letort, artiste peintre installée sur le causse du Larzac.

Dès les premières heures dans ce hameau, le ton est donné…..! Tout est affaire de tous et chacun apporte sa pierre, « son grain de sel », est motivé. Ce qui caractérise le Larzac c’est vraiment cet esprit de solidarité et une gande ouverture d’esprit et d’écoute de l’autre. « Ici il est permis davoir des idées différentes. Mais ne pas aider quelqu’un, ça NON ! »( Bela Schaeffer artisan tisserand, Massif Centrl Magazine n° 107) Après cette visite à Saint Martin, retour au parking pour nous organiser en covoiturage en direction du hameau des Truels.

 

2)         Le hameau des Truels se situe très près de Saint Martin, à 5km ( voir petit plan) C’est un des hauts lieux de la « lutte ». Lorsque nous arrivons , nous sommes tout de suite saisis par l’harmonie qui règne en ce lieu. Tout est bien entretenu, rangé, la végétation est respectée, les maisons ont toutes leur cachet, sans aucune disparité ou « verrue » qui vient tout gâcher… Nous sommes accueillis par Thierry Castebon qui est boulanger-paysan. Thierry nous conte avec plaisir son parcours, le parcours des Truels et c’est passionnant. Originaire de Millau, il est revenu en 1990 pour vivre une expérience de vie alternative et communautaire au hameau des Truels. Abandonné dans les années 1950, racheté par le ministère de la Défense dans la perspective de l’extension du camp, le hameau a été squaté dès 1974 par la communauté des compagnons de l’Arche, celle-là même qui a soufflé aux paysans l’idée de l’action non-violente à travers la voix de Lanza Del Vasto, trente ans après cinq agriculteurs sont installés aux Truels: deux éleveurs, deux fromagers et un boulanger-paysan; l’intégralité du lait des brebis et des chèvres est transformé en fromage sur l’exploitation; le blé en farine, puis en pain; le tout est vendu sur les marchés ( cinq par semaine et un sixième durant l’été).

Avec 100 brebis et 25 chèvres, 150 hectares de surface agricole utile, dont seulement 30 sont labourables, les cinq agriculteurs des Truels, associés en G.A.E.C. , parviennent à se procurer chacun un revenu décent. Le modèle quasi unique, suscite la curiosité des lycées agricoles dont les professeurs, médusés, défilent à la ferme avec leurs élèves. (cf: Massif Central Magazine n° 107).

Nous visitons l’atelier de Thierry avec son four à pain et notre hôte répond patiemment à toutes nos questions… Ensuite petit tour à la fromagerie où même le dimanche nous avons pu faire quelques emplettes et rapporter chez nous perail et tomme de brebis, cabécous et tomme de chèvre. Ensuite nous nous promenons tranquillement dans ce petit village en faisant une pause particulière devant une maison en bois cordé. A noter une très belle vue sur la vallée de la Dourbie. Il est temps de continuer notre périple et nous reprenons les voitures pour atteindre le hameau de la Blaquière à 4 kms plus au sud.

 

3)         Juste avant d’arriver à la Blaquière nous apercevons sur notre gauche le « Roc Traoucat », énorme pierre dolomitique trouée. Nous déambulons dans les rues du village et constatons que le hameau est très ancien ( château, le pigeonnier est magnifique); mais il ne règne pas la même atmosphère qu’aux Truels. Certes le vent est glacial et on dirait qu’il y a toujours du vent à cet endroit……Certaines maisons ou granges ont des façades ou des détails fort beaux et intéressants, mais nous ne sentons pas d’harmonie réelle, le beau cotoie le laid sans aucune « pudeur »…. Certes l’ouverture ou l’agrandissement des fenêtres dans la voute est délicat. L’abandon des carrières, le prix de la lauze, la perte des savoir-faire ne favorise pas la rénovation harmonieuse du vieux bâti… Mais certaines toitures rouges, même pas en tuiles, font bondir le visiteur même le moins avisé….! Il en est de meme pour les bâtiments agricoles, certaines bergerie ou granges anciennes, typiquement caussenardes, magnifiques, regroupant sous le même toit bergerie, grange, hangar; mais non adaptées à l’agriculture moderne ont provoqué la construction d’immenses bâtiments agricoles qui choquent dans ce paysage architectural traditionnel. Et pourtant on peut constater que d’autres démarches sont possibles: « la bergerie reproche » de la Blaquière en est un magnifique exemple. L’ensemble entièrement construit en pierres et couvert de tuiles canal de teinte brune présente des volumes « harmonieux », malgré l’emploi d’une structure traditionnelle en arcs consolidés par des contreforts triangulaires, la bergerie est parfaitement adaptée à un élevage moderne ( grand volume intérieur, larges ouvertures percées en haut des murs);cf le fascicule « maisons du Larzac édité par l’A.P.A.L.

Nous trainons, « un peu beaucoup émus » le long de cette bergerie sentimentale en lisant ou en essayant de déchiffrer toutes les inscriptions et signarures gravées dans les pierres des murs.

Nous regagnons nos voitures, non sans avoir grimpé sur la colline au-dessus du village pour profiter du merveilleux panorama sur le Larzac qui s’offre à nous avec une vue à pratiquement 360°, les cheveux d’anges à peine mûrs ondulant comme des vagues sous le vent.

En partant et donnant nos impressions , il nous semble qu’il n’y pas de souci d’aménagement dans ce hameau, pas de prise en charge collective comme aux Truels. Et pourtant la bergerie emblématique est là….!et pourtant la commune de Millau a pris en charge l’enfouissement des lignes, etc….

Retour en voiture à Saint Martin du Larzac où nous pique-niquons, bien à l’abri du vent essaimant, devant le calvaire, l’ancienne école et le presbytère; les discussions vont bon train et nous terminons le repas avec les cerises apportées par Pierre et Marie-Thé Barral….

 

4)         En ce début d’après-midi nous reprenons notre périple larzacien pour atteindre la ferme des Baumes, tout près de Saint Martin ( 30 minutes à pied). Nous empruntons une bouissière magnifique qui va nous guider presque tout le long. Arrivés à la ferme des Baumes, le premier bâtiment que nous voyons est la grande bergerie de Romain, parfaitement intégrée dans le paysage. Au fond contre un chaos dolmitique massif que l’on peut voir de loin, même de la route qui va de Saint Martin à Montredon. La façade a tout d’une façade de chateau avec tours et fenêtres à meneaux et daterait du 15ème ou 16ème siècle. Nous entrons par petits groupes pour nous rendre compte de la grandeur de cet abri d’une dizaine de mètres de hauteur. Malheureusement quelques endroits sont détériorés et mériteraient des réparations. En nous renseignant auprès de Michèle nous apprenons que ce très bel ensemble typique appartient à la S.C.T.L. et que des projets sont en cours; en effet la communauté de communes de Millau-Grands-Causses a décidé de restaurer cet édifice, en prenant en charge les travaux. La S.C.T.L. de son côté met ces bâtiments à disposition gratuitement jusqu’en 2045. Un accord a été conclu dans le respect de l’environnement, sans aucune nuisance pour les habitants des Baumes, notamment pour les allées et venues dû à la vie de l’exploitation agricole du G.A.E.C. L’entreprise de maçonnerie de Monsieur Vermorel s’occupera des travaux: réparation des désordres intérieurs ( trous qui s’agrandissent), enduit extérieur à « pierre à vue » et consolidation des fenêtres à meneaux. D’autre part à l’intérieur des nouvelles solives seront remises ( sans plancher).

Une fois encore nous nous rendons compte que les  » habitants du Larzac » font vraiment preuve d’un grand souci de l’environnement et du respect du patrimoine, aussi bien architectural que paysager….cela nous fait chaud au coeur. En suite nous faisons une petite visite bien sympathique chez le tourneur sur bois des Baumes, Phlippe Tellier qui fabrique des objets très divers à partir d’essences locales ( vaisselle, luminaires, sculptures variées,….). Nous reprenons à pied notre bouissière et retournons à Saint Martin récupérer nos voitures. De là nous nous dirigeons vers Pierrefiche empruntant la jolie petite route à gauche après le Cun.

5)         A Pierrefiche Pierre Barral veut nous montrer un grand puits à marches, dit « romain », avec ces 7,50m de profondeur et 5,80m de diamètre!!!! C’est tout simplement impressionnant et très étonnant que Pierre ne soit pas encore tombé dedans avec sa « manie » de vouloir toujours fouiner encore et encore un peu plus loin!!!!!

Nous nous dirigeons ensuite en direction de Montredon et continuons à l’est pour rejoindre la ferme de l’Aubiguier. Cette ferme, une des plus belles du Larzac, est bâtie dans un environnement magnifique, restaurée par un couple, Claudie et Yves Péres qui l’ont achetée voilà dix sept ans. Le toit-citerne est imposant et magnifique: très bien restauré et bordé de canaux en pierre; l’aire à battre est grandiose, la façade de la grange est aménagée en pigeonnier et très imposante. Les propriétaires ont été très soucieux de planter des arbres et d’aménager l’ensemble de façon très harmonieuse et paternelle. Un gîte d’accueil et une yourte, forts bien dissimulés derrière des haies de buis, servent d’accueil pour les vacanciers. L’économie de l’exploitation repose sur un troupeau de brebis-viande. Nous pouvons entendre les braiements de la quinzaine d’ânes présents ici. Claudie nous ouvre son atelier où elle vend des vanneries qu’elle fabrique à partir d’osier, de ronces,etc… Yves et Claudie nous ont accueillis avec gentillesse et ont su nous faire partager leur amour du causse et de son patrimoine. Après cette visite fort sympathique et enrichissantes nous nous posons quelques instants pour nous rafraîchir avec des jus de fruits bien frais et déguster une énorme fouace et les délicieux gâteaux à l’anis de Marie-Thé dont voici la recette : 300gr de sucre, 5 oeufs,(bien faire mousser les oeufs et le sucre), 350gr de farine, 1 bol de noix concassées et une cuiller à soupe de graine de fenouil.

 

7)         Retour sur nos pas pour nous rendre au hameau de Montredon qui est aussi un haut lieu de la lutte (commune de la Roque-Sainte Marguerite).cf document joint sur Montredon.

Nous visitons le village, les maisons caussenardes , le toit citerne, nous nous arrêtons devant les panneaux explicatifs et terminons par une petite pose dans un vaste enclos ceint de murs de pierres énormes; à quoi servait-il? Etait-ce pour parquer les troupeaux dans un temps très ancien?, un lieu de culte?, un enclos pour un rûcher? Les supputations vont bon train , l’enquête piétine…!

 

8)         Tout près de Montredon nous terminons notre journée par la visite du site de l’Oulette où nous sommes très bien reçus par les propriétaires, monsieur et madame Christian Julian. Ces derniers mettent la dernière touche à leur « hébergerie » avant l’inauguration officielle toute proche.

Ces bâtiments désaffectés étaient dans la famille de Christian depuis longtemps et il n’était pas question de les laisser à l’abandon. Christian voulait absolument faire revivre ce gîte; il a fallu 11ans de travaux pour rénover et aboutir à ce magnifique gîte qui peut accueillir 11 personnes. Christian est agriculteur aux Liquisses et son fils a voulu travailler sur l’exploitation. N’ayant pas assez de surface agricole pour faire vivre deux familles, Christian s’est lancé dans la rénovation de l’Oulette qui va leur donner un revenu supplémentaire. Tous les travaux ont été conçus dans un esprit très écologique ( matériaux, récupération de l’eau, photovoltaïque pour l’eau chaude….) la même perspective de bâtiments qu’autrefois, et à l’intérieur on sent bien comment vivaient les gens autrefois , comme les anciens ont conçu les bâtiments ( il a gardé une pièce de gros rocher comme base….). Tout est fait avec goût et intelligence. Ce gîte d’étape s’adresse à des randonneurs qui vont à pied de gîte en gîte. D’ailleurs on n’y accède pas en voiture; le site est magnifique et grandiose. C’est vraiment une restauration exemplaire.

 

Et voilà, notre journée s’achève; nous sommes ravis de tout ce que nous avons vu et entendu  et sentons bien que cette journée nous aura marqués. Toutes les personnes que nous avons rencontrées font preuve d’un dynamisme et d’une passion…..qu’on espère contagieuse.